Ne nous voilons pas la face, les choses vont de mal en pis et ce n’est pas près de s’arranger, tout au contraire. Bien sûr on ne s’en aperçoit pas trop Derrière Napoléon. Par ces premières chaleurs le temps bénit du Ricard est arrivé, avec son cortège de petites olives noires et autres accompagnements propres à conforter l’absorption d’un breuvage dont beaucoup, désormais, redoutent la prétendue nocivité. Je ne saurais, pour ma part, trop insister sur ses vertus apaisantes, il vous incite à prendre la vie du bon côté, et, par les temps qui courent, il ne s’agit pas là d’une simple question de confort intellectuel mais bel et bien de vie ou de mort. Le pastaga soigne la sinistrose sans comporter les inconvénients des cochonneries que vendent nos petits amis les droguistes de point de deal, les marchands de couleur que j’évoquais naguère. Après, bien sûr, on peut gloser sur les effets à long terme d’une boisson alcoolisée qui, même noyée dans quelques volumes d’eau (plus ou moins selon les goûts de chacun), reste tout de même une sorte de poison pernicieux dont la consommation excessive et sur la durée peut vous transformer en quasi-cadavre parfaitement abruti. Je ne dis pas cela pour Jean Foupallour, bien sûr, qui est un ami et que je ne saurais critiquer en raison d’un penchant sans doute un peu trop marqué pour la jolie liqueur jaune. Toutefois, il n’y a qu’à le regarder et à l’écouter, ce brave Jeannot, pour constater les ravages provoqués par l’addiction en cause.
Certes, ce garçon n’a jamais été bien dodu, gras à lécher les murs, comme disait sa vieille Mémé (2), un sac d’os, quoi, ce type m’a toujours rappelé Philippe Clay en plus maigre…sauf que Philippe Clay nous ramène à un temps que les moins de quatre-vingt balais ne peuvent pas connaître…tant pis, les jeunes, cherchez et vous trouverez, amen! Mais là, maintenant, c’est vrai, à l’approche d’une septantaine qui ne saurait tarder, le voilà pas mal érodé, le pauvre; ses fringues minables qui lui pendouillent autour évoquent sans ambiguïté les épouvantails de nos campagnes d’avant Monsanto et Cie. Sa silhouette voutée pire que la cave de notre cher bistrot, sa démarche claudicante et sa tronche vaguement draculesque, apparaissent de nature à faire peur aux petits enfants, sans parler des jeunes-filles (oui, enfin, je veux dire les très jeunes) qui changent de trottoir quand elles le voient rappliquer. Vous y ajoutez un teint évoquant sans aucun doute possible sa boisson favorite, joint à l’absence remarquable de la plupart de ses quenottes et vous saisissez parfaitement le tableau: une loque! Et pour peu qu’il vienne à se casser la gueule -ce qu’à Dieu ne plaise, bien sûr- carrément une loque à terre, mais bon, comme son studio pourrave lui appartient en propre (façon de parler) et qu’il ressortit incontestablement au genre masculin (comme on dit puis), la remarque en question se révèle sans objet, vous pouvez la biffer sans état d’âme.
Cela dit, il cause, Jeannot, chaque fois qu’il trouve l’occase d’en placer une il y va carrément! Soyons précis, comme il a toujours été con, évidemment, nous somme habitués de longue date à l’entendre proférer des imbécillités somptueuses. Cela dit, l’alcoolisme ricardien invétéré n’arrangeant rien, bien au contraire, il tend de plus en plus à nous en sortir des surprenantes, de celles qui parfois font date dans les annales parce qu’elles induisent les auditeurs médusés à se pisser dessus, le rire compulsif et les vessies très pleines faisant généralement mauvais ménage, surtout à l’âge où fleurit la prostate.
Et donc, ce matin, le sujet dominant c’était l’Ukraine. Je vous fais une parenthèse, par ici en ce moment on en repère pas mal, des réfugiés Ukrainiens, les pauvres…oui, bon, en même temps les rudes guerriers des plaines immenses on les voir le plus souvent circuler en Porsche Cayenne, mais parfois aussi en BMW ou dans ces grosses Audi à cent patates la pièce, leur prédilection pour la qualité allemande ne relativisant que fort peu leur malheur. Mais pour en revenir, nous en étions à la septième tournée, celle qui commence à offrir au génie Foupallourdesque les conditions d’une expression désinhibée susceptible d’atteindre parfois au paroxysme de l’absurde, cela s’est vu.
A ce moment précis la parole était à Grauburle, lequel, manifestement empreint d’une sourde inquiétude, évoquait les conséquences fâcheuses d’une affaire dont on savait à peu près comment elle avait commencé mais dont personne n’entrevoyait si peu que ce soit la fin éventuelle. Pour lui, dans l’ordre des malheurs induits, la disparition quasi-totale de l’huile de tournesol, arrive au premier rang, et ce, avec une avance considérable sur ses poursuivants tels que le prix de l’essence ou celui de la baguette, lesquels cependant, ne sauraient le laisser de marbre. Oui mais l’huile de tournesol joue dans la maison Grauburle un rôle fondamental, c’est l’ingrédient essentiel de la bouffe confectionnée par Mémaine (3), laquelle refuse catégoriquement de s’en passer autant que d’utiliser quelque produit de remplacement car la mégère, forte d’une culture culinaire enraciné dans un passé lointain, qualifie indistinctement d’ersatz, dénomination générique utilisé par sa grand-mère maternelle pour désigner toute denrée de substitution, à commencer par la margarine. « Astra », ça s’appelait, à l’époque, et le slogan c’était « un préjugé ridicule qui vous coûte cher » en réponse à ceux qui, à l’instar de l’aïeule en question, disaient à qui voulait l’entendre « votre ersatz vous pouvez vous le mettre où je pense en guise de suppositoire« , ce qui, s’agissant d’un paquet cubique de dix centimètre d’arête, relevait tout de même de l’irréalisable…ou alors fallait-il laisser fondre le produit. En tout cas, la vieille, le coup du préjugé ridicule, ça lui est resté en travers du gosier (oui, car elle ne prenait pas à son compte l’utilisation thérapeutique précitée), et d’un profond mépris elle passa à une haine farouche qu’elle manifesta jusqu’au trépas pour tout ce qui ressemblait de près ou de loin à l’ersatz maudit. Elle ne fut pas, d’ailleurs, la seule, puisque la pub dont il s’agit est encore enseignée dans les écoles de marketing comme le contre-exemple absolu propre à foutre en l’air la moitié au moins de la clientèle. Un préjugé ridicule! Faut être con comme un plat de fayots, pas vrai? Sauf que traiter d’andouille ceux à qui on tente de faire acheter le truc ça reste une fausse bonne idée et les ventes ont fondu comme margarine au soleil jusqu’à disparition à peu près totale. Mais avec tout ça, depuis quelques jours l’ami Marcel Grauburle passe le plus clair de son temps à hanter les épiceries, supérettes, super et hyper-marchés, pour faire main basse sur la moindre bouteille d’huile héliantique qui traînerait encore dans le fond d’un rayon. Et il a intérêt à en trouver, le malheureux! La Mémaine on la connaît, en fureur elle peut vous casser un manche à balais sur les endosses sans préavis ni sommation. Voilà pourquoi il envie tant les célibataires comme Jean Foupallour, Grauburle, notamment pour la liberté totale et absolue de se murger la gueule jusqu’à satiété voire plus. Son rêve ce serait le veuvage, sauf que, vu l’insolente santé de sa vioque il peut toujours se brosser, le premier cercueil sera pour lui sans rémission possible.
Pour ce qui relève du camarade Jeannot sus-évoqué, il faisait observer à la compagnie bistrotière que l’approvisionnement de Mémaine on n’en avait rien à branler et que si l’on voulait retrouver la prospérité, le calme international, on n’avait qu’à balancer par surprise quelques bombes atomiques sur le Kremlin, afin d’éliminer la cause de tous ces emmerdements, et voilà tout! Cette question secondaire étant ainsi évacuée par les voies les plus rapides, son problème de ce matin était tout autre. Cela tournait autour de l’histoire du match de foot, celui qui s’est soldé, hier soir, par des affrontements violents entre une flicaille pas mal débordée et des supporters anglais par dizaines de milliers qui, pour différentes raisons dont on se fout éperdument, n’avaient pu accéder au Stade de France où se jouait le sort de leur équipe favorite. Il se trouve toutefois que, parmi les fauteurs de troubles, on dénombrait pas mal d’islamoracailles venues des quartchiers environnants afin de tenter d’apercevoir leur coreligionnaire bien aimé, le sieur Benzéma, footballeur aussi émérite que le fut en son temps le célèbre Zizidâne, celui qui provoqua l’élimination de l’équipe de France sur un coup de tête.
Entre les Hooligans et les Chances Pour la France, les Forcedelordres, totalement dépassées, durent recourir aux gaz lacrymogènes, entraînant ainsi la colère de la Gauche, tout entière dévouée aux théories mélanchonniennes sur l’extrême nocivité de la fachopolice darmanesque. Dame, vous pensez, parmi les gazés on trouvait une gamine de cinq ans amenée là par son gentil Papa pour se divertir quelque peu au spectacle des refoulés du grand stade. Cela dit, le cerveau empastissé de l’ami Jeannot nous a concocté un projet stratégique aux termes duquel il conviendrait de déplacer d’urgence le stade en question, vu que la Seine-Saint-Denis, comme emplacement, ce sont les emmerdes assurées pour toujours. La proposition consiste à reconstruire le Stade de France en Suisse, pays paisible par essence, et à reconvertir parallèlement l’ancienne arène en prison de grande envergure, afin d’y stocker les délinquants et autres criminels du coin; ce ne sont pas les effectifs qui manquent! Comme il dit si bien, nous ferions ainsi d’une paire deux couilles: on joue les matches de foot dans le calme et la bonne humeur tout en résolvant simultanément, dans la proximité et l’élégance, le problème épineux du manque de prisons.
Finalement, tout bien considéré, loin d’être complètement abruti, il ferait sans doute un bon garde des sceaux (à glace), Jeannot… en tout cas comparé à l’actuel qui, lui non plus, ne boit pas que de la flotte…et en même temps ministre des sports, vous vous rendez compte de l’économie potentielle! Si jamais Présipède ou l’un de ses sbires venait par hasard à me lire, on pourrait peut-être en causer…
Allez, je crois avoir assez raconté d’âneries pour aujourd’hui, que la semaine qui vient vous ait en sa sainte grâce. Amitiés à tous.
Et merde pour qui ne me lira pas.
NOURATIN
(1) Au temps bénit de la radio, avant la télé pour tous, Galabru jouait le rôle d’un commissaire de police dans une émission-feuilleton à la gloire d’un pastis (Duval, peut-être) et lorsqu’il buvait un coup en plein milieu d’une affaire embrouillée, systématiquement, il déclamait sur un ton qui n’appartenait qu’à lui: aaahhh, quel pastis!
(2) Voir DERRIERE NAPOLEON chapitre IV
(3) Ib. chapitre III